Face à la montée en puissance d’Internet et notamment des réseaux sociaux, les messages haineux, racistes ou antisémites ne cessent de se multiplier.
En effet, les réseaux sociaux, les blogs ou encore l’ensemble des forums de discussions disponibles sur les serveurs permettent à de nombreuses personnes de déverser un flot d’injures et de menaces incessant.
Constatant l’ampleur du phénomène, l’Allemagne a, dès 2017, adopté une loi dite « NetzDG » pour lutter contre les violences et la haine en ligne.
Qu’en est-t-il de la France ?
Est-y-elle en train de se doter d’un Arsenal législatif pour enrayer un tel constat ?
Le Cabinet Mimram Valensi Sion vous informe sur le sujet.
Qu’est ce que la loi Avia ?
Il s’agit d’une proposition de loi portée par la députée LREM, Laëtitia AVIA, pour lutter contre la haine sur Internet.
Celle-ci s’inscrit pleinement dans le cadre du plan gouvernemental contre le racisme et l’antisémitisme.
En effet, elle naît sur la base d’un rapport rendu par l’enseignant franco-algérien, Karim Amellal, et par le Vice-Président du Conseil Représentatif des Institutions Juives (CRIF), Gil Taïeb.
Le 9 juillet 2019, après des débats houleux au sein de l’Assemblée Nationale, les députés adoptent à la majorité un texte fortement remanié par la commission des lois pour satisfaire aux exigences du Conseil d’Etat.
Avant d’entrer en vigueur, le texte doit toutefois être examiné et voté par le Sénat ce mois-ci.
Que contient la proposition de loi Avia ?
- L’obligation de retirer les propos haineux dans les 24 heures suivant leur publication
L’article 1er dispose que « [les plateformes d’hébergement de contenus publics] sont tenu[e]s, au regard de l’intérêt général attaché à la lutte contre les contenus publiés sur Internet et comportant une incitation à la haine ou une injure à raison de la race, de la religion, de l’ethnie, de sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, de retirer ou rendre inaccessible dans un délai de 24 heures après notification tout contenu contrevenant manifestement aux cinquième et sixième alinéas de l’article 24, ainsi qu’aux troisième et quatrième aliénas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ».
Ainsi, cet article 1er du projet de loi discuté au Parlement vient instaurer un régime de responsabilité pour les plateformes d’hébergement de contenus publics qui dépasserait un seuil de connexion sur le territoire français (dont le seuil sera fixé par décret).
En effet, si la loi venait à être adoptée, les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, YouTube ou encore les grandes lignes de presse disponibles sur Internet se verraient dans l’obligation de supprimer dans les 24 heures suivant leur publication les messages au contenu « manifestement haineux ou injurieux ».
La proposition de loi cible ici des infractions déjà présentes dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse: il s’agit pour les plateformes d’hébergement de contenus publics de censurer des messages de provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, de leur race, de leur ethnie ou de leur sexe.
- Un nouvel acteur dans la régulation d’Internet: le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)
Un délit pénal de « refus de retrait ou de « non déréférencement » serait créé dans la nouvelle loi.
Ainsi, dans le cas où les plateformes ne respecteraient pas la modération sous 24 heures d’un contenu « manifestement illicite » après signalement, celle-ci s’exposeraient à une peine d’un an de prison et de 250 000 euros d’amende.
En outre, en cas de manquement manifeste à ces règles, le CSA pourrait jouer un rôle non négligeable dans la régulation d’Interner: il aurait le pouvoir de prononcer une sanction administrative d’un montant maximum de 4% du chiffres d’affaires des plateformes.
Enfin, la proposition de loi vient créer un « parquet dédié » lequel pourra « solliciter directement auprès des fournisseurs d’accès internet, en référé, le blocage ou le deréférencement d’un site illicite ».
/!\ Toutefois, la proposition de loi a su entendre les critiques, et notamment celles de certains intellectuels qui craignaient que cette loi instaure une censure sur Internet.
C’est pourquoi, la loi Avia prévoit une amende de 15 000 euros et un an d’emprisonnement en cas de « signalements abusifs » dont le but est de signaler une activité comme illicite afin d’en obtenir le retrait.
- La mise en place d’un « bouton unique de signalement »
Il s’agit pour les sites à contenus publics d’afficher distinctement un bouton qui permette de signaler facilement des commentaires indésirables, haineux ou mal appropriés.
Certains réseaux sociaux comme Facebook ont déjà depuis un certain temps mis en place ce type de fonctionnalité pour lutter contre les discours de haine sur internet.
- Faciliter la procédure judiciaire pour prouver un cyberharcèlement ou d’un discours de haine sur Internet
Un amendement du texte adopté par l’Assemblée Nationale est venu ajouter qu’il serait possible de « conserver les contenus haineux supprimés « pendant une durée maximale d’un an pour les besoins de recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et seulement afin de mettre des informations à disposition de l’autorité judiciaire. »
- L’instauration d’un observatoire de la haine en ligne
L’ensemble du processus décrit profondément sera suivi de près si l’on en croit la rapporteuse par « un observatoire de la haine en ligne ».
Ainsi, celui-ci se tiendra à jour des dossiers et des sanctions prononcées à l’encontre des plateformes.
L’article 7 de la loi vient aussi préciser que cet observatoire aura pour mission « d’analyser l’évolution des contenus mentionnés à l’article 1er de la loi, en lien avec les opérateurs, associations et chercheurs concernés, en prenant en compte la diversité des publics concernés, notamment les mineurs ».
/!\ Ce projet de loi inquiète les associations pour la défense de la liberté d’expression notamment qui voit en ces propositions une atteinte à cette précieuse liberté.
Reste à savoir si le texte sera voté en l’état par le palais du Luxembourg…
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