Tout au long de la relation contractuelle, l’exécution du contrat de travail peut être affectée de différentes manières : l’employeur peut notamment souhaiter pour diverses raisons de modifier les conditions d’emploi de son salarié.
Dès lors, la mesure envisagée sera soumise à un régime juridique différent selon qu’elle entraîne une modification du contrat de travail ou qu’elle constitue un simple changement des conditions de travail.
Si la mesure souhaitée par l’employeur correspond à une modification du contrat de travail, il doit préalablement recueillir le consentement du salarié, a contrario si cette mesure correspond à un simple changement des conditions de travail, l’employeur peut l’imposer unilatéralement.
La difficulté est donc de savoir à partir de quand le changement du lieu de travail entraîne une modification des conditions de travail.
Le Cabinet Mimran Valensi Sion vous informe sur le sujet.
Le lieu de travail : élément contractualisé du contrat de travail ?
En principe, le lieu de travail ne constitue pas un élément du contrat de travail : la Cour de cassation a pu retenir à plusieurs reprises que la celle-ci n’avait qu’une valeur informative, sous réserve qu’il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié devra exécuter sa tâche exclusivement dans ce lieu.
Cette clause de stabilité contractualise donc le lieu de travail : toute modification requiert ainsi l’accord de l’employé.
Dès lors, l’employeur va pouvoir modifier le lieu de travail du salarié si et seulement si ce changement constitue une simple modification des conditions de travail et non une modification du contrat de travail.
Le changement de secteur géographique : un obstacle à la modification du lieu de travail sans le consentement du salarié
Si l’employeur modifie le contrat de travail de son employé et lui enjoint de travailler dans un établissement de l’entreprise situé dans le même secteur géographique que son ancien lieu de travail, il n’a pas à avoir son autorisation.
La mutation est alors considérée comme une simple modification des conditions de travail, qui s’impose au salarié.
Toutefois, l’employeur doit motiver sa décision et respecter un délai raisonnable pour prévenir le salarié de sa mutation.
Si le salarié s’oppose au changement de lieu de travail dans ces conditions, il peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire pour insubordination.
A contrario, lorsque la mutation a lieu en dehors du secteur géographique, elle est considérée comme une modification d’un élément de travail, l’accord du salarié est donc nécessaire.
S’il accepte, le salarié change de lieu de travail dans les conditions prévues par le contrat de travail.
Le cas échéant, s’il refuse, la relation de travail se poursuit dans les mêmes conditions, mais l’employeur pourra décider de le licencier si celui-ci n’a pas justifié d’un motif réel et sérieux de non-acceptation de la mutation.
Cette question reste complexe en droit du travail.
En effet, la notion de « secteur géographique » n’a pas reçu de définition précise : elle reste appréciée au cas par cas par les juges du fond. Il s’agit souvent d’un même « bassin d’emploi ».
Communément, la notion de « secteur géographique » s’apprécie au regard des critères suivants :
- Généralement, est pris en compte la distance entre les deux sites : il s’agit généralement d’une zone située dans un rayon de 30 kilomètres
- La situation du réseau de transport entre l’ancien et le nouveau lieu de travail
- Les fonctions occupées par le salarié
A titre d’illustration, la jurisprudence a pu retenir que la mutation de Marseille à Roquefort-la-Bédoule peut être considérée comme une modification du contrat de travail qui nécessite l’accord du salarié. En effet, bien que les deux villes ne soient situées qu’à moins de 25 kilomètres de distance, l’absence de desserte suffisante a suffi pour convaincre le juge.
La Cour de cassation a également pu énoncer que la région parisienne ne constituait pas nécessairement un même secteur géographique.
En effet, elle a pu considérer à l’occasion d’un arrêt du 15 juin 2004, rendue par la chambre sociale que constitue une modification du contrat de travail, la mutation d’un salarié de Paris à Roissy dès lors qu’il était nécessaire d’emprunter plusieurs moyens de transports pour parvenir à son lieu de travail.
Dès lors, vous l’aurez compris, cette question de la mutation reste sensible : elle est bien souvent appréciée in concreto par les juges.
/!\ Il convient, toutefois, de noter que dans le cas où la mutation a lieu en dehors du secteur géographique, l’accord du salarié n’est pas nécessaire si :
- Les parties au contrat de travail ont signé dans l’entreprise un accord de performance collective
- Si la mutation temporaire est motivée par l’intérêt de l’entreprise et est justifiée par des circonstances exceptionnelles
- Si le contrat de travail contient une clause de mobilité : celle-ci permet à l’employeur d’imposer au salarié un changement du lieu de travail.
Toutefois, la validité de cette clause est soumise à plusieurs conditions : cette dernière doit être définie de manière précise, c’est-à-dire qu’elle doit déterminer sa zone géographique d’application.
Concernant la mise en œuvre de la clause de mobilité, l’employeur doit mobiliser cette clause de bonne foi, c’est-à-dire pour un motif objectif lié à l’intérêt de l’entreprise.
L’article L1121-1 du Code du travail précise qu’elle ne « doit pas porter une atteinte injustifiée au droit à une vie personnelle et familiale ».
/!\ Toute proposition de mutation à un salarié protégé constitue une modification du contrat de travail : celle-ci nécessite alors obligatoirement son accord.
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